jeudi 31 mars 2011

Le lit et le char


Dans la guerre que se livrent le régime du colonel Mouammar Kadhafi et les insurgés libyens, Zentan est une ville- clé. Plantée au milieu de la chaîne montagneuse de Nafusa, cette petite cité de 40000 âmes est au carrefour de plusieurs routes dont deux éminemment stratégiques. L’une mène vers la frontière tunisienne, importante voie d’approvisionnement pour une grande partie de l’ouest et du centre du pays. L’autre conduit vers la grand sud saharien, ses garnisons militaires, et ses frontières avec le Niger et le Tchad, elles aussi points de passage importants pour certaines régions du pays. Zentan est également située non loin de plusieurs champs de pétrole et de gaz et sa partie orientale est traversée par plusieurs oléoducs et gazoducs servant à exporter les hydrocarbures libyens. La ville est aussi à moins de deux heures de route de Tripoli, la capitale, ultime objectif des insurgés et dernier point à défendre, sans doute, pour les partisans du colonel Kadhafi.
Zentan est aujourd’hui contrôlée par les insurgés. Depuis le début du mouvement de contestation du régime du colonel Kadhafi, les troupes loyalistes ont tenté à plusieurs reprises de reprendre la ville. En vain. La dernière fois, c’était durant les journées du 19 au 21 mars. Des dizaines de chars et de blindés de l’armée régulière étaient alors entrés dans la partie est de la ville, avant d’être mise en déroute et chassée par les rebelles.
Depuis, les troupes officielles se sont installées à quelques kilomètres de la ville. Formant un demi-cercle autour, leurs différentes unités bouclent aujourd’hui trois voies d’accès sur quatre à Zentan. Seule leur échappe, celle de l’ouest inaccessible à partir de leurs positions actuelles en raison des montagnes.
A l’évidence, les insurgés auraient bien voulu éloigner davantage les troupes de Kadhafi. Mais l’amateurisme et le dénuement militaires les en ont empêchés. Pour la plupart des volontaires civils, ils n’ont ni chefs, ni stratégie et leurs rares armes capables de rivaliser sérieusement avec celles de leur ennemi sont constituées de quelques orgues de Staline  sinon une poignée de vieux chars soviétiques. Tous volés dans des casernes par des soldats ralliés ou abandonnés par leur adversaire sur le champ de bataille. Le reste se résume à de vieilles kalachnikovs, d’antiques carabines italiennes, sinon des pistolets ou des machettes.
A Zentan, une seule chose ne fait visiblement pas défaut aux insurgés: l’enthousiasme. Aux multiples check-points dont elle pullule, dans les rues, aux postes avancés d’observations installés tout autour de la ville, la détermination marque les visages, rythme les phrases, accompagne les gestes des opposants au guide libyen. « Les gens de Kadhafi se battent pour l’argent et des situations, sinon sous la contrainte. Nous, nous nous battons pour la liberté et la dignité. Nous n’avons donc pas les mêmes raisons. Les nôtres sont plus nobles et nous rendent plus courageux», soutient le capitaine Khaled, faisant le guide dans la partie orientale de la ville, théâtre des derniers combats. Entre bâtiments éventrés et véhicules calcinés, cet officier rallié aux rebelles est surtout fier de montrer les chars que ses amis ont détruits. Touché à l’entrée de la ville, l’un d’entre eux sert aujourd’hui de check-point. A côté, a été posé un lit. La nuit, les hommes en garde s’y relaient pour se reposer.

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